Exemple de stratégie de remédiation à un obstacle d’apprentissage en physique







Par Jalal Souhaid

(Enseignant de physique et membre fondateur du LAPT)
   


  

I-            Introduction : 

«Enseigner à un enfant, ce n’est pas remplir un vase, mais allumer un feu!»  

(Montaigne)

Professeur de physique j’ai effectué une petite démarche pédagogique sur mes élèves en classe de 3ème, qui se préparent au brevet libanais, et âgés de 14-15 ans.


II-        Thème de la séquence d’apprentissage :

Depuis la réforme des programmes en 2000 et jusqu'à ce jour, nous sommes entrain de traiter la partie Optique du Curriculum libanais de la classe de EB9 (3ème). Ce grand thème, l’Optique, n’est pas nouveau pour les élèves, ils ont déjà étudié une partie en classe de EB8 (4ème) portant sur les images données par les miroirs. 

En classe de 3ème, on introduit les lentilles divergentes et convergentes, et la grande partie du travail porte sur la construction des images des objets à travers les lentilles convergentes et divergentes. En fin du 1er trimestre, les élèves sont supposés avoir acquis tous les objectifs posés dans le Curriculum libanais sur la partie Optique en
3ème.

III-    L’obstacle rencontré par les élèves :

Sans faire un cours de physique, je mets la lumière sur l’obstacle que rencontrent les élèves en étudiant le thème de l’Optique et surtout les lentilles : la notion de distance focale (notée f) d’une lentille, reste une notion très abstraite pour eux.
Beaucoup d’enseignants, moi-même en début de carrière, se limitent à l’introduire comme définition dans le cours, sans expliquer physiquement et concrètement aux élèves le sens de la distance focale d’une lentille. Les élèves adoptent la définition, mais le concept de distance focale reste flou dans leurs têtes. 

En peu de mots, j’éclaircie un peu la notion de distance focale: Pour tracer les rayons lumineux qui vont former l’image d’un objet à travers une lentille, on a besoin de connaître essentiellement la distance focale de la lentille, car c’est en connaissant cette distance focale, qu’on arrivera à localiser le foyer objet (F) et le foyer image ( F’) qui aideront à tracer graphiquement l’image de l’objet et à résoudre le problème de physique posé par l’enseignant.

Donc, la notion de distance focale est très importante, pour tracer les images des objets, ou bien pour déterminer quelle lentille est plus convergente (ou divergente) parmi plusieurs lentilles. 

Après avoir expliqué aux élèves comment déterminer expérimentalement la distance focale d’une lentille, et comment connaître de deux lentilles laquelle est la plus convergente, je leur ai demandé en classe, le problème suivant : 

Comment savoir, de deux lentilles convergentes, celle qui possède la plus petite distance focale f ? 

Proposer une expérience avec toutes les explications nécessaires en cinq à sept lignes.

Le matériel dont tu disposes est :  o Deux lentilles convergentes différentes L1 et L2 o Un carton blanc  

Lieu de l’expérience: La cours de l’école en une belle journée d’été.



IV-           Réponses des élèves

Je m’attendais à ce que les élèves proposent un protocole expérimental qui me servira de repère pour savoir s’ils ont bien assimilé la notion de distance focale, comment la déterminer, et comment distinguer différentes lentilles d’après la distance focale de chacune. 
Ils devaient, en cinq à sept lignes, décrire la démarche expérimentale de                 
«  L’IMAGE D’UN OBJET ELOIGNÉ DONNÉE PAR UNE LENTILLE
CONVERGENTE »  et qui se résume comme suit: une lentille convergente donne d’un objet éloigné une image, située à une certaine distance de la lentille : la distance image - lentille est la distance focale de cette lentille. Pour connaître de deux lentilles laquelle est la plus convergente, on doit : 

1-      Se placer dos au Soleil.
2-      Placer le carton blanc sur le sol.
3-      Tenir les deux lentilles en main, et faire converger les rayons du Soleil à travers ces deux lentilles, sur le carton.
4-      Faire une mise au point en éloignant ou en approchant chaque lentille, pour qu’elles donnent chacune une image nette du Soleil, sur le carton, donc jusqu'à observer une tache nette sur le carton.
5-      La lentille qui possède la distance focale la plus petite, c'est-à-dire celle qui est la plus convergente, est celle qui donnera l’image nette le plus près de la lentille.

Sur vingt élèves, les réponses ont été comme suit :

o Un élève n’a pas répondu, il n’a pas su ce qu’il faut faire. o Dix élèves ont répondu d’une façon fausse, ce qui prouve que la notion de distance focale est encore abstraite pour eux car ils ne savent pas décrire le protocole expérimental pour la chercher. o Neuf élèves ont répondu correctement, même si l’obstacle linguistique a dérouté un peu la démarche expérimentale à faire.



V-              Stratégie de remédiation adoptée : 

Pour remédier à ce problème, j’ai procédé par quatre étapes : 
1.      Re-explication et correction collective en classe.
2.      Passage à la cour de l’école où on a effectué tous ensemble l’expérience.
3.      Passage au laboratoire où on a déterminé expérimentalement, mais d’une autre façon que la méthode de l’objet éloigné, la distance focale d’une lentille convergente, puis plusieurs lentilles convergentes, et on a distingué quelles lentilles sont plus convergentes que d’autres.
4.      J’ai donné deux exercices à faire, à la maison, aux élèves portant sur la distance focale des lentilles.

1.      Re-explication et correction collective en classe :

J’ai sacrifié trente minutes, pour re-expliquer théoriquement, au tableau, ce qu’il fallait faire pour déterminer laquelle des deux lentilles a la plus petite distance focale. En cours d’explication, j’ai laissé les élèves échanger leurs idées, chacun proposant sa méthode et essayant de démontrer qu’il a fait juste, et je n’ai intervenu que pour les calmer et rectifier quand ils disaient des réponses fausses. Pour la première fois depuis le début de l’année, j’ai senti les élèves vraiment impliqués dans une démarche scientifique ! Quel plaisir ! 

2.      Passage à la cour de l’école pour une réalisation collective        de l’expérience :

Avec l’ensemble des élèves, on est passé à la cour de l’école où je les ai divisés en des groupes de cinq, et chaque groupe a réalisé lui-même l’expérience : dos au soleil, ils ont fait la mise au point de chaque lentille et déduis celle qui était la plus convergente. Encore une fois, c’était la première fois depuis le début de l’année, que les élèves faisaient ce genre d’activité, et ils étaient vraiment heureux et enthousiastes de découvrir eux même directement ce que je leur expliquais en classe.

3.      Passage au laboratoire de physique :

Pour mieux renforcer encore la notion de distance focale, et faute de temps, j’ai procédé à une démonstration d’une expérience devant les élèves, mais qui leur a été bien bénéfique quand même: sur un banc d’optique, on envoie un fin pinceau lumineux sur une lentille convergente, parallèlement à son axe optique. En émergeant de la lentille, le rayon lumineux va converger sur l’axe optique de la lentille en passant par son foyer image F’: connaissant la position de F’, on mesure la distance qui le sépare du centre optique O de la lentille, et la distance focale f sera égale à OF’.




4.      Exercices supplémentaires à la maison : 

   En fin de semaine, j’ai donné aux élèves deux exercices de renforcement portant sur la détermination graphique de la détermination de distance focale f. A la correction en classe, j’ai remarqué une participation de toute la classe, et tous les élèves avaient bien fait leurs préparations.







VI-           Conclusion : 

Bien que le temps consacré à réaliser tout ce que j’ai décrit ultérieurement m’a retardé un peu des autres collègues, j’ai senti que les élèves avaient bien compris enfin la notion de distance focale : ce qui était abstrait pour eux, est devenu concret et bien ancré dans leur tête ! 
C’est vrai qu’en classe de 3ème, on n’a pas le temps de faire ce genre de travail pour chaque obstacle rencontré, mais quand même, de temps en temps, on peut le faire, et les élèves aiment ce genre de travail, ça les éloigne un peu du cours théorique de la classe. 


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